En mai 2021, j’ai découvert le fascinant et complexe monde des ventes aux enchères. Immersion totale dans un métier à l’histoire et aux règles de gestion très denses, pour accompagner l’iconique Hôtel Drouot dans sa course à la digitalisation.
C’est aussi le moment où j’ai appris à maîtriser le geste du concept produit, un outil hérité du Lean Engineering qui a 1/ changé ma vie de product ; 2/ était la potion magique de mon expérience avec Drouot.
Une petite minute storytelling pour replacer le contexte (et que vous saisissiez toute la beauté et la force du concept produit).
Drouot, référence des enchères depuis le 19ème siècle, avait su attraper le train des enchères en ligne très tôt, dès 2007, avec le lancement de son site web de ventes aux enchères, prenant ainsi le lead du marché. En pleine pandémie de covid en 2020, les ventes aux enchères en ligne représentaient 50% du chiffre d’affaire globale de Drouot. Début 2021, alors que les applications mobiles deviennent le nouveau fer de lance des concurrents, Drouot veut garder sa position de leader et se lancer très vite sur le mobile.
Mais lancer rapidement une app, avec un business très compliqué, en s’assurant qu’on fait le bon produit pour des utilisateurs très exigeants, on savait que c’était un sacré défi ! Défi qu’on a pu relever grâce aux forces de BAM :
Le concept produit, c’est une phrase qui résume simplement le challenge à relever avec le produit. C’est le fruit de tout le travail de construction de la stratégie produit et c’est avant tout un outil de communication pour l’équipe.
Lorsque tout le monde sait ce qu’on cherche à réussir, il est plus facile de garder le cap, notamment dans les moments difficiles. De plus, cela va aider à prioriser et prendre des décisions sur la roadmap. Comment on arrive à définir un bon concept produit ?
Alors, de manière hyper condensée et simplifiée, on peut le résumer en 4 étapes.
Pour Drouot, il fallait regagner en modernité pour faire face aux concurrents de plus en plus nombreux, ce qui permettrait de conquérir une cible plus jeune d’enchérisseurs, mais cela sans décevoir les immuables adeptes des enchères en salle.
Les enchérisseurs ont besoin de se sentir en sécurité sur la plateforme.
On a appris qu’il y avait plein de bandits qui font monter les enchères mais ne récupèrent jamais les lots 😱😱😱, ce qui met les maisons de vente dans la panade. Par conséquent, on a renforcé la vérification d’identité avec une solution de KYC de pointe.
Réussir à répondre à un trade off avec notre produit, c’est clé car si on arrive à concilier deux préférences utilisateurs qu’aucun autre de nos concurrent n’a réussi à concilier, cela nous met en lead sur le marché tout en faisant de notre produit une proposition unique !
Nos enchérisseurs favoris voulaient de la sécurité et du contrôle pour s'assurer de ne pas avoir affaire à de faux users ou hackers. Mais d’autre part, ils souhaitaient aussi retrouver les codes classiques des enchères et le thrill des salles de vente, dans lesquelles n’importe qui peut entrer et se mettre à enchérir : difficile de concilier cette liberté avec les problématiques online.
Notre challenge était de faire, dès la V1, une app de ventes aux enchères qui soit super sécurisée pour rassurer, mais aussi ludique et facile d’accès.
Spoiler alert, ça n'était pas si simple.
Une chose que j’ai remarqué depuis la découverte et la pratique du Lean Engineering, c’est qu’avec la théorie et les méthodes, on a des frameworks clairs et rassurants qui pourraient nous tromper à croire que c’est simple. Alors qu’en fait, pas tellement.
Tirer les vers du nez des utilisateurs, comprendre ce qu’on peut vraiment faire mieux, c’est assez sportif. S’approprier un marché aux acteurs nombreux, un marché dont les dynamiques physiques et online sont complexes, c’est fastidieux mais clé pour construire un concept efficace et solide.
C’était d’autant plus important pour Drouot qui cherchait à faire un vrai move concurrentiel.
Mais si dans la construction de la stratégie produit, on reste toujours centré utilisateur, la force du product management c’est d’aligner cette stratégie aux enjeux business, pour penser et faire un produit réussi et rentable.
Exemple : la sécurité c’était un enjeu pour les utilisateurs ET pour Drouot (risque de perte de clients B2B si fraude sur la plateforme) donc on a priorisé ce besoin.
Lorsque vous formulez votre challenge, ce n’est que la première version d’un concept sur lequel vous allez itérer, itérer, et itérer.
N’hésitez pas à le partager dans votre équipe, avec des gens extérieurs - comme dirait le bon Pascal :
Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement.
Je pense honnêtement avoir ré-écrit le concept produit de Drouot une dizaine de fois !
Une fois notre concept produit en main, on n’a jamais cessé de s’en servir à toute occasion.
Pour onboarder des nouveaux arrivants, pour penser notre stratégie d’App Store Optimization et choisir les bons mots clés, pour définir notre mise en bêta et nos objectifs de lancement, mais surtout pour prioriser.
On savait ce qu’on voulait réussir avec cette première version, et lorsque la roadmap commençait à être un peu étranglée, lorsqu’il fallait arbitrer entre une version complexe mais complète et une version rapide d’une feature, on pouvait revenir à notre concept.
“Est-ce que cette feature va nous aider à réussir le challenge?”
“Est-ce que c’est un besoin utilisateur qu’on a choisi d’adresser avec cette version?”
Cela nous aura servi dès la v2 de la roadmap, complètement revue grâce à ce concept, mais aussi à chaque décision produit tout au long du projet - pour créer un super produit. (Big Up à Matthieu Pernelle qui a refait toute la roadmap avec moi au bout de 3 semaines 🫠)
En 8 mois, nous sommes parvenus à :
(Ce n'est pas moi qui le dit)
Et sans le concept produit, je suis assez persuadée qu’on n’aurait pas aussi bien réussi.